une petite nouvelle, une histoire courte

Un chateau en Ecosse
Julie, debout. Je commence à connaitre cette phrase.
Depuis dix jours, Téo gratte après la dalle en essayant de l’ôter, elle bouge, mais il a encore du travail.
Je ne parviens plus à me lever le matin, car mes nuits sont agitées. Un Cauchemar m’expulse de l’univers des rêves. Je cours nue au milieu d’une forêt sombre, des cerfs me poursuivent. J’arrive au bord de l’océan ou plusieurs requins m’attendent. Les cervidés me piétinent, et des hommes me jettent au sein de l’océan. Les squales me dévorent, j’aperçois leurs dents arracher ma chair. Au fond de l’eau démembrée, je pense, encore, je vis, je suis une spectatrice muette de ma propre fin.
Cette nuit, je courrais nue dans les dédales de l’hôtel, des monstres me poursuivaient. Je savais que c’en étaient, mais je ne les voyais pas ; être au fait me suffisait. Nue, j’avais ôté mes habits, ils brulaient ma peau. Ils allaient me consumer. J’ai retiré ma culotte, elle a flambé, je l’ai regardée se calciner. J’ai observé mon soutien-gorge se carboniser. Mon short et mon teeshirt n’étaient plus qu’un enchevêtrement de vers purulents. Mes basquets se tordaient de tous côtés. Au sein d’un marre de sang, j’ai essayé d’atteindre une rive invisible. Un siphon attirait tout vers lui.
Je suis nue au milieu de mon lit, mes cheveux ont encore des traces de sang.
Sous la douche, je respire. Je regarde le dégorgeoir, l’eau court se jeter en lui, elle est soumise à son désir.
Habillée, je prends mon petit déjeuner alors que Téo et mes parents mangent. Je demande à Téo, s’il va bien. Il me répond que j’ai un visage d’une personne déterrée. J’avoue avoir insuffisamment dormi.
Il se repose dans sa chambre, je le rejoins, je lui confesse ne plus savoir où sont le bien et le mal. Le proverbe dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions, il serait tiré d’une phrase de Saint Bernard de Clairvaux. Il aurait dit que l’enfer est plein de bons désirs. Il parlait de volonté, quand un roi annonçait, car c’était son bon plaisir, il voulait informer que c’était sa détermination. Je préfère le sens de désirs charnels. Ces horreurs qui m’assaillent ne se formeraient que de mes fantasmes refoulés. Il me regarde. Il observe le plafond.
— Tes fantasmes ont-ils un rapport avec les cauchemars ?
— Oui, et non, je ne fantasme pas de tels faits. De légères similitudes sont présentes.
— Tente de les concrétiser s’ils sont conformes à la morale. Au sein des bois, ils m’harcèlent, ils sont pervers et démontrent l’existence d’un débauché. Je ne les réaliserais jamais. C’est un effet de la chapelle, je ne le souhaite pas.
Je reste songeuse. Il reste muet, je n’ai pas envie de lui raconter mes tourments intimes.
Il se lève, il va à la chapelle, cette dalle l’obsède. Je ne crois pas à l’existence d’un trésor.
L’après-midi, je descends au sous-sol. Je me méfie des visiteurs bizarres, des clients biscornus et des salariés insolites. J’arpente quelques mètres, j’ôte mes baskets. À la prochaine halte, mon short n’est plus qu’un souvenir. J’ai parcouru une distance folle, nue, je ne vois plus le fond. Je discerne juste des monticules, chacun se forme d’un de mes vêtements. Un vieil homme approche de moi, il a un short rose et une chemise verte, et de grosses lunettes jaunes. Il m’interroge si j’ai froid, je lui réponds que non. Il me révèle qu’il est peintre, il aimerait croquer mon portrait. Il reconnait ne plus savoir où se trouvent ses pinceaux. Il en a à l’intérieur de son atelier à Montmartre. Là-bas est sa vie, il a pris le bateau et depuis, il marche au sein de ce couloir. Il a froid. Il continue. Je poursuis cette marche sans but, j’avais envie de déambuler nue.
Téo n’aimerait pas de me voir ainsi. Il est un peu conservateur, guindé au sein de principes moraux trop rigoristes.
Je rencontre des gens tous plus ou moins loufoques, s’ils remarquent ma nudité, aucun d’entre eux ne l’associe à la sexualité. Je remonte vers dix-sept heures. Pendant quatre heures, je fus à poil entre ses murs. Cet hôtel est magique.
De retour au hall, je croise John Sir Adams et le Colonel Baker, ils sont assis sur des fauteuils en cuir, ils m’invitent à boire un verre de Cherry Brandy. June me sert un soupçon de cette liqueur de cerise. Ils me demandent ma façon de tuer le temps. C’est l’exercice le plus dur, il résiste. Le colonel d’un ton paternaliste me déconseille la nage, en raison de gros poissons. Certains auraient aperçu des requins à quelques brasses du rivage. Je bois une gorgée de ma boisson dans le dessein de ne pas montrer une pointe d’émotion. J’admets ne pas avoir été au bord de la plage. Je les questionne au sujet de la biodiversité dans l’ile. Ils demeurent évasifs. Je conviens d’avoir croisé une biche, à priori, un cerf et un faon vivent aussi. Ils reconnaissent qu’un troupeau de cervidés se promènent la nuit dans les bois, deux vaches, un taureau, deux cochons, trois moutons. Ils sont en liberté, June tire le lait le matin avant de commencer le service.
Je bois une nouvelle gorgée, un sourire allait s’échapper, je sais maintenant que des bêtes subsistent ici.
June m’apporte un second Cherry, tentent-ils de me souler. Un troisième homme surgit. Il semble aussi âgé que les deux autres. Il porte un chapeau tyrolien. Un peu gras, June lui fournit une bière. Il se présente en tant qu’Helmut Braden, citoyen allemand. Je m’en suis douté, mais je n’en dis rien. Il nous parle de la Bavière et de Beethoven. Il l’aurait rencontré. Je patauge dans l’incroyable. Adams m’indique les combles avec des malles de vêtements dont certains remontent aux moyen-âge, il me suggère d’y jeter un coup d’œil, un après-midi où je m’ennuie.
Avant de rentrer souper, je questionne June où elle traie les vaches. Elle me mentionne un local en descendant vers le port, les animaux peuvent y dormir la nuit, elle précise que c’est pratique en cas de mauvais temps. Elle m’invite à la rejoindre demain à six heures du matin. J’accepte en lui soulignant que si j’arrive à me lever.
La nuit fut presque calme, mais je me réveille nue, le corps humide, et surtout recroquevillée au sol. Mais je n’ai gardé aucun souvenir. Je sors de mon lit à tâtons. Je prends une douche qui me secoue. Je bois un café comme une automate.
Je laisse un SMS à Téo. Je ne me sens pas en sécurité, mais je ne parviens pas à identifier la source du danger. L’hôtel est peut-être un lieu de convalescence de malades mentaux. C’est fort possible. Mon cœur balance entre des fous et des fantômes.
Je rejoins June au hall, elle m’emmène à une étable qu’on atteint en suivant un sentier qu’on emprunte en quittant le chemin qui conduit au port. Plusieurs bêtes attendent, dont les deux vaches. Leurs mamelles sont gonflées. Elle désire me montrer, je m’assois sur un tabouret, ses mains guident les miennes sur les tétons. Ma tête appuie sur le ventre de l’animal, mes mains font un mouvement de haut en bas, en changeant de tétons. Je sens la poitrine de June qui se presse sur mon dos. Ses mamelons sont gonflés. Elle m’avoue à l’oreille que parfois, elle se met nue pour les traire. Elles sont toujours dépouillées du moindre vêtement. Je ne réponds pas, mon trouble monte. Après avoir traie la première vache, elle me requiert de me mettre nue. Elle me déshabille. Elle se désape aussi. Assise sur le tabouret, elle se presse contre moi, je sens la chaleur de son corps. Elle m’irradie. Une fois que ce fut, elle me révèle qu’elle n’est pas lesbienne, mais elle adore être nue. Elle me demande de mettre des jupes, si possible, courtes ou très courtes. Elle m’aidera à les couper, et elle m’épaulera dans le dessein d’y coudre un ourlet.
Nous nous rhabillons. Nous regagnons l’hôtel. Elle m’apprend que c’est une côte sauvage et brute, mais elle est belle. Elle me montre l’océan, en pointant du doigt, elle me désigne d’autres iles. Elle m’enseigne que le courant est violent. Il domine la terre et les hommes. C’est plein de récifs, seuls les marins chevronnés les connaissent. Elle me demande quelle est ma chambre dans la suite des gérants. Je lui explique laquelle. Elle me conseille de prendre une autre, celle où l’on perçoit plus l’océan. Elle me propose de m’aider à m’installer dans celle-ci. J’accepte, je me sens dans un état second. Je serais presque poétesse à observer les flots de l’océan, ils m’envoutent. C’est l’océan Atlantique.
Elle m’accompagne dans l’appartement de mes parents. Elle va les saluer, elle leur apprend que je veux changer de chambre, car l’océan m’ensorcèle. Je lui offre un café. Nous le buvons au sein de ma nouvelle chambre. Nous nous dépêchons de tout déménager. Elle me quitte, le service l’attend. Que recherche-t-elle ? J’ai du mal à suivre. Par moment, je perds un peu la maitrise de mes pensées. Quelqu’un prend le dessus sur moi, il me contrôle sans que je sache son identité. À certains moments, je ne m’en rends pas compte, j’accepte la situation comme un fait normal. Est-ce un démon ? Est-ce le diable ? Suis-je soumise par hypnose ? Me domine-t-on en me droguant ? Est-ce un jeu sexuel ? Est-ce une emprise des forces du mal ?
À quelle hauteur veut-elle que je coupe les jupes ? Qu’est-ce une jupe courte ? Qu’est-ce une jupe ultracourte ? J’en essaie une, je fais une marque. Je décide d’aller la chercher ? Où est-elle ? Je visite le deuxième étage ? C’est un couloir qui dispose de chambres à gauche et à droite ? Le premier niveau est silencieux aussi. Le hall et le salon de thé sont vides. Je descends aux caves. Téo m’avait parlé d’une cuisine. Je sais où elle se trouve. À peine arrivée au sol, je me mets nue. Je parcours ce couloir en croisant de nouvelles gens qui ont l’air de chercher une sortie. Aucun ne prête attention à ma nudité.
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