une petite nouvelle, une histoire courte

Le corps et le cœur, un couple maudit
Je chantonne le tube de Trenet « Il y a de la joie ». Lucas sourit. Ma mère observe le plafond. Marie lui souligne que l’argent tue l’amour. Elle lui réplique qu’il est mort depuis longtemps. La conversation devient plus animée. Nous arrivons à un point où l’Etna est inoffensif.
Le soir, nous avons une invitée, Mathilde, une femme d’une quarantaine d’années. Toute de violet vêtue, c’est une robe comme l’on n’en fait plus, Marylin Monroe devait en porter des identiques. L’époque de cette actrice est révolue. Elle était star pendant la jeunesse de mon grand-père. J’en ai le tournis. Le temps me donne la nausée. Enfin bref, elle avait un grand chapeau avec un voile violet, le sac, les souliers de la même couleur. C’est un violet clair, c’est un violet pourpre comme la betterave, ou le violet du chou rouge. C’est un violet glycine. Je cherchais le nom.
Mathilde est maniérée comme ce n’est pas permis. Ma mère l’a conviée à manger. Elle a pris la place de mon père, l’effrontée. Je suis à sa droite, et mon frère à sa gauche. J’invite ma mère à nous présenter Mathilde, mon père s’en va, elle la convie à un diner. J’aimerais connaitre leurs relations. Elle nous dit que c’est une amie qu’elle voit souvent, avec qui elle échangeait au sujet des difficultés au sein de son couple. Je lui reproche de ne nous en avoir pas dit un mot. Elle s’explique en évoquant la difficulté d’aborder la sexualité. Mathilde l’incite à nous le révéler. Elle se justifie par le fait qu’elle n’éprouvait aucun plaisir avec notre père. Il n’était guère imaginatif. Il satisfaisait son besoin sans se préoccuper du sien. Il adorait la position du missionnaire, elle n’y tenait pas trop. Je lui affirme que dans ce cas de figure, on en parle. On trouve un moyen de sauver les meubles. Elle confesse qu’elle l’a fait sans résultat. Elle lui a communiqué ses fantasmes, ses envies. Il est resté de marbre en observant son sexe tout mou après l’amour.
Je me tais, je mange des crustacés, j’adore cela. Le repas est calme, nous discutons sur nos projets. Mathilde semble sociale et avenante.
Au dessert, en buvant une coupe de champagne, l’alcool aidant, j’avoue à ma mère que ses soirées en club échangistes, les soirées SM et l’univers fétichiste ont du mal à passer. C’est identique au fait d’avaler un os, il reste coincer. Je lui apprends que Marie et Lucas pensent la même chose. On entend une mouche voler. Je lui souligne qu’avoir une relation sexuelle, c’est de l’érotisme, ce qu’elle aime c’est de la pornographie, de l’outrance et de l’obscène. Mathilde me demande si je connais cet univers ou si j’écoute les médisances. Je confesse avoir lu le Marquis de Sade. Je précise toutes ses œuvres. Marie me souligne que je suis une ardente lectrice de ses livres. Je l’informe que je n’avais tout compris. La connaissance vient en lisant. Je l’ai lu sans passion, je sens une répulsion pour cela, l’amour est absent. C’est de la chair, de la viande.
Mathilde me réplique que le désir peut exister sans amour. En regardant une photo, on peut désirer un corps, une situation. Je reste mitigée. J’avoue que je juge l’échange de partenaires comme un acte de prostitution.
Je me tais et je confesse vouloir une autre coupe.
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